Soumission au
COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
Concernant
LES COÛTS DE LA SÉCURITÉ AÉRIENNE
Le 10 décembre 2002

Je me nomme commandant Dan Adamus et je suis ici pour représenter l’Association des pilotes de ligne, Internationale. Je suis le futur vice-président du conseil canadien d’ALPA. Je suis également un pilote d’Air Canada Jazz.

Je vous remercie de me permettre de parler devant le comité aujourd’hui.

L’Association des pilotes de ligne, Internationale représente plus de 66 000 pilotes professionnels qui travaillent pour 43 lignes aériennes au Canada et aux États-Unis. À titre d’agent négociateur certifié de nos membres et en tant que leur représentant pour tout domaine touchant leur sécurité et leur bien-être professionnel, ALPA est le porte-parole principal pour les pilotes de ligne en Amérique du Nord. Par conséquent, ALPA a un grand intérêt envers la santé économique et le bien-être de l’industrie.

Cette soumission expose l’inquiétude d’ALPA concernant les politiques financières du gouvernement canadien par rapport à l’industrie pour laquelle nos membres travaillent. Selon nous, les innombrables taxes, frais et coûts supplémentaires que le gouvernement a imposés aux lignes aériennes de l’industrie ont eu un impact négatif important quant à sa viabilité. Notre inquiétude particulière et immédiate à cet égard est le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. À une période durant laquelle l’industrie est en pleine crise, la direction de la politique reflétée par une telle taxe est sérieusement mal placée et injuste.

À la suite des séquelles de la restructuration de l’industrie aérienne au Canada et des événements du 11 septembre 2001, il est devenu encore plus clair que jamais que l’aviation est essentielle pour l’économie canadienne. Il s’agit souvent du moyen le plus fiable et économique de déplacer des biens et des gens à travers notre grand pays. Cela est tout particulièrement vrai pour ce qui a trait aux communautés éloignées et celles du nord. Toutefois, l’industrie demeure dans une position délicate.

Au Canada, Air Canada a perdu près de 1,3 milliard de dollars en 2001 et même si elle a présenté de petits profits lors de deux trimestres, n’est pas prévu faire de profits en 2002.  Air Canada Jazz a récemment annoncé une réduction de 30 % du trafic. Canada 3000, qui devait être le principal concurrent d’Air Canada, a fait faillite l’an dernier.  Cette situation économique fait partie d’une tendance sur une plus grande échelle.  Les lignes aériennes nord-américaines ont perdu la somme astronomique de 6 milliards en devises américaines en 2001 et on prévoit une perte de 7 milliards en devises américaines en 2002.

L’aviation relie le pays et est importante pour la santé économique du Canada.  Elle emploie des dizaines de milliers de travailleurs hautement qualifiés qui habitent dans des centaines de communautés à travers le Canada et qui payent des taxes.  Alors que l’industrie aérienne est en baisse, les livraisons d’aéronefs, de moteurs et d’équipement aéronautique diminuent considérablement. La construction aéronautique et spatiale est un joueur clé pour le bien-être économique du Canada. En 2001, la construction aéronautique et spatiale a rapporté des revenus de 23,2 $ milliards dont 17,8 $ milliards provenaient de l’exportation (15,2 $ milliards de ces exportations étaient destinées aux États-Unis). Elle employait 83 600 travailleurs hautement payés et qualifiés en 2001; toutefois, ce nombre a diminué comparativement à 91 500 en 2000, et tout porte à croire que d’autres mises à pied auront lieu.

Après des années de croissance impressionnante, 2002 verra une baisse importante des revenus, exportations et emplois. Les compagnies canadiennes telles que Bombardier, CAE et Pratt & Whitney Canada demeurent très vulnérables aux réductions du trafic aérien. Sous le gros titre « Air Industry Turbulence» du Financial Post de vendredi dernier on retrouvait les manchettes suivantes : « United Closes in on Bankruptcy Financing» et « Bombardier Shares hit by United Woes – Airline» s feeders are major customers of 50-seat CRJ200». L’article rapportait que les actions de Bombardier ont baissé de 9,3 % en raison de la peur de la faillite imminente de United, qui résulterait probablement en coupures de livraisons et de profits pour Bombardier l’année prochaine.

La baisse d’activités du marché aérien nord-américain provient en partie de la conséquence des attaques du 11 septembre, des pratiques contestables de la direction des lignes aériennes et de la faiblesse économique. Toutefois, une grande partie des malheurs de l’industrie est directement causée par le gouvernement fédéral, qui a créé un impact négatif important quant à la viabilité des lignes aériennes canadiennes par l’imposition de nombreuses taxes, frais et coûts supplémentaires qui grugent tout profit possible.  Ces coûts augmentent le prix du billet généralement de 7 % à 40 %, et même davantage dans certains cas.  Par exemple, Moncton-Halifax (aller-retour) pour un billet au meilleur tarif économique disponible sur Internet.  Le tarif de base est 138,00 $.  Maintenant, veuillez ajouter les redevances de navigation de NavCanada – 20,00 $, le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien – 22,44 $, les frais d’amélioration aéroportuaire à Moncton et Halifax – 20,00 $, et la taxe de vente harmonisée – 28,56 $ pour un grand total de 91,00 $ pour un tarif de base de 138,00 $, ou un surplus scandaleux de 66 %.

De plus, le gouvernement fédéral agit à titre de propriétaire pour la plupart des aéroports du Canada – mais de façon abusive. En 2001, les huit plus importants aéroports ont empoché auprès des lignes aériennes et des passagers 765 millions de dollars en revenu total par l’entremise des frais d’amélioration aéroportuaire ainsi que les frais aéroportuaires et les frais d’atterrissage.  Toutefois, les plus gros aéroports doivent payer un loyer au gouvernement fédéral.  Ce montant s’élevait à 250 millions de dollars l’année dernière et augmentera de 9,2 % en 2003.  Quoique le gouvernement fédéral recueille ce revenu de location le gouvernement fédéral n’assume aucun coût d’opération ou d’entretien pour l’infrastructure des aéroports. Mais qui en est responsable ? Les aéroports doivent assumer les coûts – en les transformant sous forme de frais imposés aux lignes aériennes et au public voyageur.  Les lignes aériennes sont un segment fondamental de l’infrastructure du transport canadien et l’économie canadienne, mais le gouvernement fédéral se nourrit à partir de ce dernier au lieu de l’exploiter sagement à titre de ressource nationale précieuse

Il est important de remarquer que même si l’économie canadienne a été plus forte que l’économie américaine, jusqu’à maintenant cette année, le nombre de passagers a diminué de 10,2 % comparativement à 9,9 % aux États-Unis.   Le prix plus élevé des billets, dû en grande partie à ces tarifs, taxes et frais, ainsi que la « perception d’embêtement» associée à l’utilisation du transport aérien, ont résulté en d’importantes baisses du trafic aérien.  Plus particulièrement, il est immoral et injuste que les passagers doivent financer la sécurité nationale par le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Il est clair, que le statut quo n’est pas viable pour l’industrie aérienne, ni pour les nombreuses industries qui la supportent

Frais et tarifs imposés par le gouvernement

Comme nous le savons tous, les coûts d’opération d’une ligne aérienne ont augmenté de façon spectaculaire en raison de facteurs du marché hors du contrôle du gouvernement, tel que l’augmentation des primes d’assurance et le prix du carburant. Nous ne tenons pas le gouvernement responsable de ces augmentations.

Cependant, à la base, l’infrastructure de l’aviation récemment établie par le gouvernement canadien, mis en relief par la décentralisation des aéroports et la commercialisation du système de navigation aérienne, a résulté en des coûts plus élevés pour l’industrie aérienne. Contrairement aux principes acceptés du marché concernant les prix et l’offre et la demande, les aéroports et NavCanada doivent augmenter leurs frais afin de compenser la réduction du trafic. Comme le démontre la situation actuelle, ces augmentations de coûts surviennent précisément à un moment durant lequel les lignes aériennes sont le moins en mesure de les assumer. Nous attirons votre attention sur le fait que la politique de l’autofinancement pour l’infrastructure de l’industrie n’est pas présente dans aucune des autres modalités de transport dans la mesure qu’elle est appliquée à l’industrie aérienne. Alors qu’une telle politique peut ne pas présenter de conséquences sévères durant les périodes de croissance économique, par contre dans des moments de difficultés économiques cela ne fait simplement qu’aggraver les problèmes de l’industrie aérienne. En de simples mots, voilà la recette d’une crise, et cela est injuste.

Ce qui aggrave davantage ce dilemme est l’incapacité des lignes aériennes de porter ces coûts au prix de leurs billets à la lumière de la concurrence de la part des autres modalités de transport. Étant donné ces facteurs, accompagnés du « facteur d’embêtement» de voyager par avion à la suite des événements de 9/11, il n’est pas surprenant que le trafic aérien ait diminué et tout particulièrement pour les courtes routes, alors que voyager par voiture ou par train peut être une solution viable.

Dans ce contexte, ALPA est tout spécialement inquiet de la concurrence injuste démontrée par Via Rail face aux lignes aériennes de courts courriers. En plus de la subvention annuelle supérieure à 300 $ millions, Via Rail a reçu 402 $ millions cette année afin de remplacer l’équipement et les aménagements vieillissants. VIA a acheté de nouvelles voitures pour les passagers et des locomotives à grande vitesse. Avec cet équipement, VIA a étendu ses services et les prix des billets ne reflètent pas adéquatement le vrai coût du service. Via Rail a dépensé 559 $ millions l’année dernière, dont seulement 254 $ millions provenaient de sources de revenus extérieurs. En d’autres mots, le contribuable fournit la somme de 305 $ millions, ce qui représente 55 cents pour chaque dollar dépensé par VIA. La concurrence au niveau des transports doit être juste et équitable pour tous les modes de transport. Il est de toute évidence injuste d’encourager un mode de transport au détriment d’un autre par l’entremise de subventions gouvernementales.

Coûts de la sécurité

Nous croyons que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien est le parfait exemple de cette injustice. La surtaxe est une taxe écrasante pour l’industrie des lignes aériennes intérieures canadiennes, imposée à un moment où elle est incapable de l’assumer. Les frais pour la sécurité représentent une taxe extrêmement régressive car les frais de 24 $ sont les mêmes peu importe la distance que le passager parcourt. Cela signifie qu’une personne voyageant entre Ottawa et Toronto, ou Edmonton et Calgary, doit payer les mêmes frais qu’une personne voyageant entre Vancouver et Halifax. Avec presque tous les observateurs de l’industrie, ALPA avait prédit dans nos soumissions antérieures à la chambre des communes et aux comités des finances du Sénat que la surtaxe sera tout particulièrement écrasante pour les transporteurs intérieurs de courtes distances tels que Air Canada Jazz et WestJet. Ces transporteurs ont travaillé fort afin de créer des marchés dans lesquels ils espèrent sortir les gens de leur voiture afin de les embarquer à bord des aéronefs. Comme prévu, WestJet et Jazz ont connu une forte réduction de l’utilisation de leurs routes intérieures de courtes distances, et elles ont dû par conséquent réduire certains de ces mêmes services.

Le principe du coût d’usage est complètement inapproprié dans les circonstances actuelles. Il est important à rappeler que le 11 septembre les terroristes ne visaient pas le système du transport aérien, mais l’utilisaient afin de transformer les aéronefs en armes de destruction massive contre le public en général et le gouvernement et les institutions corporatives. Des 7,7 $ milliards identifiés afin d’améliorer la sécurité au budget de décembre 2001, il est marquant que seulement les 2,2 $ millions pour la sécurité aérienne sont ciblés pour un remboursement par l’entremise d’un coût d’usage. Dans ce cas, l’utilisateur est le passager du transport aérien. Il n’y a eu aucuns frais semblables pour les utilisateurs de ports maritimes ou des points de passage à la frontière où des mesures importantes et coûteuses ont été incorporées afin de faciliter la circulation des biens vers les États-Unis.

ALPA incite encore le gouvernement, lors de la révision du droit pour la sécurité des passagers, à abandonner cette taxation dans sa totalité. L’application du principe du coût d’usage dans ce contexte pour la sécurité du Canada est injuste et nuisible à la faible santé de l’industrie aérienne canadienne.

Dans le cas où ce comité croit qu’il est nécessaire de continuer à imposer le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, ALPA vous incite à considérer la recommandation d’un tarif progressif qui reflétera la longueur du voyage et si l’aéroport en question bénéficiera des améliorations provenant du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Toutefois, ALPA croit toujours que la sécurité aux aéroports est dans l’intérêt du public en général et à cet effet devrait être financée par l’entremise de recettes des impôts et non seulement par le public voyageur. Nous trouvons cela ironique, pour peu dire, que cette taxe afin d’améliorer la sécurité du transport aérien au Canada pourrait aider à sa disparition, particulièrement pour les routes à courtes distances.

Conclusion

L’industrie aérienne a fait des efforts importants afin de traiter la baisse actuelle du trafic aérien et de l’économie. Les travailleurs ont souffert, dans le cas de Canada 3000, ou se sont ralliés afin d’aider leur ligne aérienne employeur à rencontrer les défis actuels. Nous sommes ici aujourd’hui afin de demander au gouvernement fédéral de s’engager à remettre sur pied l’industrie aérienne et d’assurer qu’il existe une concurrence équitable dans ce segment fondamental de l’économie canadienne.

Les événements de l’année dernière ont illustré l’importance cruciale du système de l’aviation au fonctionnement général de l’économie nationale. L’appui démontré envers cette industrie, particulièrement en ce moment, est clairement dans l’intérêt du public en général et le gouvernement ne devrait pas abandonner sa responsabilité face à un segment essentiel de l’infrastructure canadienne.

Le gouvernement doit cesser de traiter les passagers voyageurs et les lignes aériennes comme des vaches à lait en leur imposant des coûts interminables. Nous vous conseillons vivement de premièrement, abolir le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et, deuxièmement, de revoir la politique de frais grimpants que les passagers et les lignes aériennes doivent assumer.

ALPA vous remercie encore d’avoir eu l’occasion de parler devant le comité aujourd’hui afin de faire connaître notre opinion. Il me ferait maintenant plaisir de répondre à vos questions.