Présentation au
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Visant
LES CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES DE 2002

Le 9 mai 2002

Je me nomme commandant Dan Adamus, et je représente ici l’Association des pilotes de ligne, Internationale (ALPA). Je suis le président des Affaires gouvernementales sur le conseil canadien d’ALPA. Je suis également un pilote d’Air Canada Jazz.

Je vous remercie de me donner la possibilité de m’adresser au Comité aujourd’hui.

L'ALPA représente plus de 62 000 pilotes professionnels qui travaillent pour 42 compagnies aériennes au Canada et aux États-Unis. À titre de représentant des employés de l’industrie du transport, l'ALPA est vivement intéressée par la santé économique et la prospérité de cette industrie. Dans la période qui a suivi les évènements du 11 septembre 2001, on s’est rendu compte que l’aviation est plus que jamais une partie intégrante de l’économie canadienne. Il s’agit du moyen de transport le plus fiable et le plus économique pour le transport de marchandises et de personnes dans notre vaste pays. C’est particulièrement vrai lorsqu’on parle des territoires éloignés du nord. Avec cette préoccupation à l'esprit, l'ALPA aimerait attirer votre attention sur trois principaux sujets de préoccupation. Nous espérons que vous les prendrez en considération lorsque vous élaborerez le prochain budget :

- Le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien

- L’assurance contre le risque de guerre

- La stabilisation de l’industrie du transport aérien

Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien

Vous vous souvenez peut-être que dans une présentation antérieure que nous avions faite au Comité, nous étions fortement opposés à l’introduction du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, en raison du climat économique qui régnait alors. Les évènements du 11 septembre ont clairement démontré à quel point un système d’aviation est important pour le bon fonctionnement de l’économie nationale. Nous pensions que l’introduction de ces frais supplémentaires imposaient une redevance punitive aux compagnies canadiennes de transport aérien et que cela survenait à un moment très inopportun.

L'ALPA vous a fait remarquer que, de son point de vue, le droit pour la sécurité devrait être une redevance dégressive, étant donné que la redevance de 24 $ est la même quelle que soit la distance parcourue par le passager. Cela veut donc dire qu’une personne qui voyage entre Ottawa et Toronto ou Edmonton et Calgary doit payer la même redevance qu’une personne qui voyage entre Vancouver et Halifax. L'ALPA avait prédit que ces frais supplémentaires affecteraient particulièrement les avions de ligne qui parcourent de courtes distances à l’intérieur du pays, tels que Air Canada Jazz et WestJet. Ces transporteurs aériens ont travaillé très fort pour créer un marché pour lequel ils espéraient convaincre les automobilistes de prendre l’avion. Comme nous l’avions prévu, WestJet fait déjà face à une diminution du nombre de passagers sur ses vols nationaux de courte distance. Dès lors, le nombre de ses vols a été revu à la baisse.

Même aux États-Unis, où la redevance est bien moins importante qu’au Canada, les analystes ont prédit que ce sont les transporteurs aériens à faibles coûts, comme la Southwest Airlines, qui en subiront le plus les conséquences négatives.

Le concept de « l’utilisateur-payeur » n’est pas applicable dans les circonstances actuelles. Il faut se rappeler que les terroristes qui ont perpétré les attentats du 11 septembre ne visaient pas le système de transport aérien, mais qu’ils l’ont utilisé pour transformer les avions en armes de destruction massive contre le grand public et les institutions gouvernementales.

Nous croyons savoir qu’il y aura une révision du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien en novembre de cette année. Là encore, l'ALPA encourage le gouvernement à abandonner complètement cette redevance. L’application du concept de « l’utilisateur-payeur » dans le contexte de la sécurité du Canada est injuste et préjudiciable à l’industrie du transport de passagers qui est déjà soumise à de fortes pressions. Néanmoins, si vous décidiez de maintenir cette redevance sur la sécurité, l'ALPA privilégierait l’introduction d’une redevance proportionnelle à la distance parcourue par le voyageur et proportionnelle aux améliorations des installations de sécurité des aéroports. Toutefois, nous pensons que la sécurité dans les aéroports concerne le grand public et devrait donc être financée par le biais des impôts fonciers généraux et pas seulement par les voyageurs.

L’assurance contre le risque de guerre

À la suite des évènements du 11 septembre, les assureurs commerciaux des compagnies aériennes ont supprimé la couverture concernant le risque de guerre et l’ont réintroduite en réduisant la couverture et en augmentant le prix des primes. Le 22 septembre 2001, le ministre des Transports, David Collenette, a annoncé que le gouvernement canadien offrirait aux exploitants de services essentiels de l'aviation au Canada une indemnité de 90 jours pour les responsabilités de tierces parties en cas de guerre ou de terrorisme. Le gouvernement a pris cette mesure pour s’assurer que les services offerts par les compagnies aériennes ne s’interrompent pas, après que les assureurs internationaux aient indiqué qu’ils ne garantiraient plus l’assurance contre le risque de guerre qui était alors en place, étant donné les circonstances. Afin de permettre aux compagnies aériennes et aux assureurs de réévaluer la situation globale de l’assurance et d’élaborer une solution à long terme, le gouvernement s’est engagé à soutenir l’industrie du transport aérien pour un temps limité. Depuis lors, le gouvernement a renouvelé son soutien à trois reprises, mais il expire le 20 mai 2002.

La question de l’assurance contre le risque de guerre ne concerne pas uniquement le Canada. Les gouvernements des États-Unis et de l’Europe fournissent également une assurance contre le risque de guerre à leurs compagnies aériennes, étant donné qu’à ce jour les gouvernements, les assureurs et les compagnies aériennes n’ont pas été en mesure de trouver une solution. Ce genre d’assurance est actuellement trop onéreuse pour qu’une compagnie aérienne puisse l’assumer sans aide.

Des discussions ont actuellement lieu aux États-Unis et en Europe pour mettre en place des régimes d’assurance régionaux, afin d’essayer de combler le vide laissé par les assureurs internationaux. Néanmoins, il est actuellement difficile de prévoir dans quelle mesure une telle solution pourrait s’appliquer au Canada, car nous avons peu de compagnies aériennes et la plupart sont très petites.

Il est donc essentiel que le gouvernement canadien continue à collaborer avec l’industrie du transport aérien, afin de minimiser l’impact des évènements du 11 septembre et pour fournir une assurance contre les risques de guerre jusqu’à ce qu’une solution commerciale de longue durée puisse être trouvée. Dans le contexte du marché canadien, il semble qu’un produit basé uniquement sur le marché économique ne sera pas viable. Dès lors, l'ALPA demande que le gouvernement s’engage à fournir un soutien de longue durée, en ce qui concerne la couverture de ce risque, sans quoi les compagnies aériennes canadiennes ne seront pas en mesure de continuer leurs activités.

Stabilisation de l’industrie du transport aérien

En juillet 2000, lorsque le projet de loi C-26 a été adopté dans le but d’assurer la restructuration ordonnée de l’industrie canadienne du transport aérien, l’un des principes de base de la Loi était de promouvoir la concurrence et de garder l’industrie nationale du transport aérien en mains canadiennes. Le gouvernement s’est engagé à avoir une industrie du transport aérien « Faite au Canada » en tenant compte du fait que notre pays compte relativement peu d’habitants, que nous avons une grande surface habitable et que, dès lors, nous ne pouvons pas nous fier à des transporteurs aériens étrangers pour desservir le Canada adéquatement. Néanmoins, l'ALPA craint que, si le gouvernement ne met pas rapidement en place un plan et une politique pour assurer la subsistance et soutenir l’industrie interne du transport aérien canadien, cette industrie puisse se retrouver au bord du gouffre.

Vous vous souviendrez certainement qu’au mois de mai 2001, Canada 3000 était une compagnie aérienne en plein essor. Néanmoins, à la suite du 11 septembre et en raison de la récession économique qu’a subi l’industrie du transport aérien, Canada 3000 a rapidement périclité et a finalement dû déposer son bilan, à la suite de quoi presque 5000 employés se sont retrouvés au chômage et des milliers de voyageurs étaient bloqués à l’étranger étant donné que leurs billets d’avion n’étaient plus valables.

En automne 2001, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il fournirait une aide financière aux compagnies aériennes affectées par les évènements du 11 septembre. Néanmoins, lorsque Canada 3000 s’est retrouvé dans une situation désastreuse, le gouvernement n’a pas pu fournir l’aide qui était nécessaire assez rapidement. Après l’effondrement de Canada 3000, la suprématie d’Air Canada s’est encore renforcée, elle est maintenant la compagnie dominante de l’industrie canadienne du transport aérien. Les effets reliés à la baisse de concurrence ont été ressentis par les passagers et par les entreprises, car le niveau des services a baissé et le prix des billets a augmenté. De plus, le nombre de vols a été réduit.

Lorsque la situation économique est bonne, les compagnies aériennes opèrent en ayant une marge exiguë. Afin de composer avec les cycles de l’industrie et pour assurer la prospérité de cette industrie, il faut que le gouvernement mette en place un fonds de stabilisation sur lequel les compagnies aériennes canadiennes peuvent s’appuyer en cas d’urgence ou lors de circonstances exceptionnelles. Pour réglementer l’accès à ce fonds, il faut élaborer des directives claires en ce qui concerne l’admissibilité. Néanmoins, il ne faut pas qu’elles soient trop exigeantes pour ne pas rendre ce fonds inaccessible. De plus, lorsqu’une demande est présentée pour obtenir de l’argent provenant de ce fonds, il faudrait que le gouvernement soit en mesure d’y répondre rapidement. Par définition, on doit pouvoir répondre rapidement à une urgence ou à une situation exceptionnelle. Si le gouvernement met des semaines ou des mois à y répondre, une situation précaire peut devenir incontrôlable et impossible à sauver avant que des mesures appropriées puissent être prises. Canada 3000 en est un bel exemple.

Pour assurer la stabilité de l’industrie canadienne du transport aérien et pour assurer la concurrence entre compagnies aériennes, nous proposons que le gouvernement mette à disposition une certaine aide pour stabiliser l’industrie. Sans cette aide, le nombre de transporteurs aériens à choix pour les consommateurs diminuera et il est à craindre qu’une seule compagnie aérienne aura le monopole du transport aérien dans ce pays. Dès lors, nous recommandons que le gouvernement mette en place un fonds de stabilisation permanent pour l’industrie du transport aérien.

Conclusion

L’industrie du transport aérien a fourni d’importants efforts pour vivre avec la récession à laquelle font face la circulation aérienne et l’économie. Comme cela a été le cas pour Canada 3000, les travailleurs ont souffert ou se sont unis pour aider leur employeur à relever les défis actuels. Nous sommes ici aujourd’hui pour demander au gouvernement fédéral de s’engager pour permettre à l’industrie du transport aérien de se remettre à flot et pour s’assurer qu’il y a une concurrence saine dans cet élément vital de l’économie canadienne.

Les évènements de ces derniers mois ont démontré à quel point le système d’aviation est vital pour le bon fonctionnement de l’ensemble de l’économie nationale. Il est certain que le soutien de cette industrie, particulièrement dans la situation actuelle, profite au grand public et le gouvernement ne devrait pas renoncer aux responsabilités qu’il a vis-à-vis d’un des éléments essentiels de l’infrastructure canadienne.

L'ALPA aimerait encore une fois vous remercier de nous avoir permis de témoigner devant ce Comité, afin de vous faire connaître notre point de vue. Je serais heureux de répondre à vos questions.